LA COLÈRE CUIT DANS SON CŒUR

Livre, septembre 2005, 20 centimètres sur 31 centimètres, imprimé sur Support SF 100 grammes et Touch soft crème fouettée 120 grammes, monté sur spirale acier, couverture en carton, premier plat imprimé, étui imprimé.

Der Hölle Rache kocht in meinem Herzen; Tod und Verzweiflung flammet um mich her! Fühlt nicht durch dich Sarastro Todesschmerzen, So bist du meine Tochter nimmermehr! Verstossen sei auf ewig, verlassen sei auf ewig, Zertrümmert sei'n auf ewig alle Bande der Natur Wenn nicht durch dich Sarastro wird erblassen! Hört! Hört! Hört, Rachegötter! Hört der Mutter Schwur!

[Une colère terrible consume mon cœur; Le désespoir et la mort m'enflamment! Si Sarastro ne meurt pas de ta main, Tu n'es plus ma fille, non plus jamais! Que soient à jamais bannis, à jamais perdus, À jamais détruits tous les liens de la nature Si Sarastro n'expire pas par ton bras! Entendez! Entendez! Entendez, dieux de vengeance! Entendez le serment d'une mère!]

Mozart Wolfgang Amadeus, Schikaneder Emanuel Die Zauberflöte

Ce livre nous touche, en réciprocité, on se souvient que les livres sont aussi des sujets. Par la qualité étrange de son papier, velouté, semblant humide, il nous touche véritablement. Ce que ce livre nous indique ainsi un peu véhémentement, est une vérité, mais oubliée, de tous les livres : leur matière nous est sensible sous la main, plus sans doute encore quand on a l'habitude des livres anciens, des parchemins divers, et des papiers aux textures si nombreuses à travers l'histoire. Pourquoi ce titre ? La facture du livre est singulière : chaque feuillet est en réalité un bi-feuillet plié sur lui-même enfermant en son cœur une feuille de polymère transparent sur laquelle une image est imprimée. L'image interne est plus sombre et tumultueuse que les très sages images imprimées sur les rectos et versos visibles. Serait-ce là cette colère qui couve au sein du livre ? Comme « œil muet » donc, ce livre là joue sur les transparences. Notons aussi au passage, encore, la présence graphique de la main dans la page. Jean-Claude Mattrat considère que la taille de la main doit être en rapport avec celle du livre. La main doit tenir dans la page. Il faut que les livres, ainsi, puissent nous comprendre. Étrangement, à part la main, (et elle peut faire penser aux figures de manchettes que l'on voit dans les livres anciens et les manuscrits) les images, au lieu d'occuper le centre des pages (pour laisser deviner le motif caché qui se révèle quand on relève le feuillet) occupent les angles, lieu ordinaire de signes de repérage dans la construction séquentielle du codex (foliotation, pagination, signatures, réclames). Elles se succèdent de façon construite, mais que l'on ne pourra déterminer, reconstruire a posteriori qu'à terme, après les avoir toutes parcourues, puis considérées au regard de leur ensemble, figuré en fin de volume. Où l'on constate que chaque ensemble de trois images concordantes apparaît ainsi en triple dans le cours du livre, sauf le motif présenté dans le rectangle gris. Là encore ce rappel ordonné des figures peut faire songer à quelques éléments du codex traditionnel : table des matières, registre de signatures, index. Boistard Marie-Jeanne, 2006.

25 exemplaires numérotés, signés.