LA CHOSE

ver (itable) anagramme

Vendredi 10 août 2012 Il est des questions qu'on devrait se poser plus souvent. Par exemple : qu'est-ce qui hante le langage ? Quels sont ses soubassements ? Questions étranges, énormes, qui furent, en son temps, travaillées par Roland Barthes, et qui devraient tous nous retenir, nous qui usons de cet outil trop souvent comme s'il était naturel. Un petit ouvrage vient nous y aider. Non pas une étude de linguistique. Pas vraiment un traité scientifique. Non, plutôt un livre d'exercices pratiques, d'expériences_ in vivo_, de travail sur la bête pour lui faire rendre gorge, lui faire dire ce qu'elle ne veut pas avouer, lui faire cracher ce qu'elle a dans le gosier. Cela s'appelle **la chose, le chaos** ( éditions Nous ). Son auteur Jean-Claude Mattrat. On y lit par exemple ceci : «_trop salué/la posture/trop simulé/l'imposture_ ». Ou cela : «_la langue/a nul égal/le cerveau/crée la vue/le doigt/dit l'ego/il pense/le pénis _». Quèsaco ? Des anagrammes. On prend un mot (ou deux ou trois), on mélange le tout (avec adresse), et hop, un autre en sort. Et le rapport entre les deux est souvent surprenant, drôle, éloquent. Les anagrammes disent l'inconscient de la langue. D'autres exemples ? «_dans les nuages/l'anus des anges _» ; «_ être du cru/réducteur _» ; «_un ver de terre/tendre rêveur_ ». Les plus politiques sont jouissifs : «_le crétin est/le centriste_ » ; «_la certitude/le dictateur_ » ; «_l'identité nationale/détient l'aliénation _» ; ou encore : «_la sécurité/élu raciste _». Bref, on s'amuse avec Jean-Claude Mattrat, d'autant qu'il fait durer le suspense pour quelques expressions bien choisies dont il donne la solution anagrammatique à la fin du livre. Ainsi, le lecteur peut s'exercer à son tour. Ça tombe bien. C'est l'été. «_ Qu'est-ce qui hante le langage ? _» La question devrait toujours être adressée aux poètes. La preuve. Christophe Kantcheff, Politis n°1213 juillet-août 2012, p. 41.

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